Réformer la violence<o> :

La violence est un mode de relation entre des personnes qui l'exercent contre des personnes qui la subissent, - une même personne pouvant être, dans la même relation ou dans des relations différentes, à la fois ou alternativement,<o> agresseur et/ou agressé(e).

Remarquons d'abord que la distance <o> est plus ou moins grande – selon les cas – entre "agresseurs" et "agressés", et que la proximité entre les protagonistes ne caractérise que la manifestation épisodique d'une situation de violence.

| Par exemple, le soldat qui enfonce sa baïonnette dans le corps d'un ennemi ne saurait être plus physiquement proche de lui, mais ce n'est que la "vue" (directe et partielle) du phénomène dans sa manifestation : l'explication<o> du fait et la compréhension du comportement des adversaires reste à faire.

L'explication du phénomène de violence dépasse donc, en l'englobant, l'analyse d'actes de violence considérés comme des événements inter-personnels.

1 ) Définition de la violence<o>

| Selon ses modalités (attributs) :

| Souvent, les situations de violence relèvent d'une explication "multiforme<o>:" parce qu'elles participent de diverses dimensions de la violence et peuvent ainsi être jugées, à divers titres, répréhensibles.

Ainsi, la violence dite "morale" a été jugée comme donnant droit à indemnisation, et même - dans des cas graves - exposant à des sanctions pénales. Par exemple (récemment), la reconnaissance de "harcèlement"("sexuel", "professionnel" ...)<o>qui peut conduire, au-delà de la relation entre deux personnes, à une mise en jeu de la responsabilité de l'entreprise (qu'on juge devoir observer une certaine éthique<o> dans la définition de sa "culture d'entreprise").

2 ) Causes de la violence<o> :

La perte (échec?) de la recherche de consensus<o>(1) alors qu'il y a conflit s'accompagne de violence, ouverte ou refoulée. C'est une observation faite lors de l'analyse du système de violence; les causes de la violence sont à rechercher à la source des conflits, c'est-à-dire des revendications opposées et des frustrations<o> correspondantes. Elles résident dans le ressenti et l'interprétation des situations vécues par les personnes qui exercent ou subissent la violence. Plus objectivement, l'analyse des situations de violence et des tentatives de les résoudre permet de définir des causes générales (et "particulières", s'agissant des personnes<o> concernées en tant qu'acteurs actifs ou passifs).

2.1) La concurrence vitale<o>:

L'humain(=l'être humain), pour assurer sa conservation et sa progression(2) , se trouve en concurrence<o> avec les autres humains pour le partage des biens rares, matériels et immatériels(3). D'où la revendication issue de la privation, - depuis le bébé criant pour qu'on lui donne à manger. Cette violence - "naturelle", "originaire" ou "native", "existentielle" - s'assouvit par la satisfaction des besoins ou s'atténue (du moins dans ses manifestations extérieures) par l'acceptation de l'impossibilité de les satisfaire (totalement ou partiellement). Reconnaître que tous ses désirs ne peuvent être entièrement satisfaits, c'est - pour la personne - accepter un "minimum" ou "optimum" de satisfaction globale plus aisée à atteindre si des contreparties viennent compenser (plus ou moins) les privations. Ainsi s'établit, à partir du manque fondamental, un degré plus ou moins acceptable de satisfaction et de frustration<o>.

La reconnaissance du conflit conduit à négocier avec autrui une coexistence acceptable<o> qui permette, tout en le limitant, l'exercice - de part et d'autre - d'un certain pouvoir d'obtenir de la société ce qu'on en attend. Ceci à des degrés divers car, si l'on observe les extrêmes, à l'opposé des personnes qui - pour des raisons à déterminer - n'osent revendiquer quoi que ce soit, l'Histoire nous donne maints exemples de dictateurs<o> mégalomanes portés à ne reconnaître aucune limite réaliste à leurs désirs de domination.

Se trouvent posées les questions de l'altérité(=la relation à l'Autre, aux Autres) et de la relation aux institutions (famille, école ... ) par lesquelles je me définis et me réalise en tant que personne<o>, c.a.d. en tant qu'individu dans un ensemble social. Le résultat global est un certain degré d'acceptation ou, à l'inverse, de contestation du système social. La relation aux Autres, y compris les Autres en tant que représentants d'institutions ou groupes sociaux divers, se fait selon les modes de la coopération ou de la domination. Nous entendons par "coopération", au sens large, la résolution du conflit par des avantages et concessions réciproques ou mutuels. Nous entendons aussi "domination" au sens large, incluant la contrainte non-physique et aussi toutes les formes d'influence. Tout en reconnaissant que la plupart des situations sociales présentent un mélange de coopération et de domination<o> à des degrés divers. Le "compromis" est l'expression explicite que la coopération a joué un rôle, c.a.d. a été recherchée et a pu aboutir (hormis le cas de "compromis" factices, qui sont en réalité imposés sans négociation possible). Le "consensus" exprime l'accord commun, au moins sur les questions les plus importantes, et avec des réserves éventuelles. La "participation"<o>, notion relativement récente comme le consensus et nécessitant, de ce fait, un élucidation du sens qu'on lui donne, peut être définie comme la réalité consciente de prendre part à l'élaboration des institutions et à la critique permanente de leur fonctionnement.

2.2) La volonté de puissance<o> :

En deçà et au-delà de l'exigence vitale (survivre, ou vivre une vie "assez satisfaisante"?) se manifeste la pulsion ou élan qui vise l'accaparement(4) du monde (objets matériels, immatériels et personnes). Cette "volonté de puissance" qui - étant issue du désir - est illimitée dans sa source, incite à agir : reste alors à s'interroger sur le sens de l'action qu'elle produit.

Chercher à maîtriser(5) la Nature (y compris la nature humaine) et les conditions d'existence en vue de réaliser un plus grand bonheur est communément acceptable<o>. Mais, d'abord : ce "plus grand bonheur" est-il réparti de la façon la moins inégalitaire possible selon des critères acceptables? et la Nature se conserve-t-elle, se renouvelle-t-elle? Et aussi : où est la limite de la domination<o> que les individus cherchent à exercer sur leurs semblables? - que des groupes sociaux ou nations cherchent à imposer aux autres? Quand est-ce inacceptable parce qu'irrespectueux de la personne humaine?

L'exposition de ces questions - qui sont "ultimes"<o> en ce qu'elles portent sur le commencement, la progression et l'aboutissement de l'aventure humaine - s'articule autour des notions et concepts de :

2.3) L'insatisfaction socio-économique :

C'est lié à la concurrence puique les biens accessibles, à produire et à consommer, sont rares et donc les modalités de leur répartition en vue de leur possession et de leur usage sont conflictuelles. C'est l'ensemble le l'organisation économique, nationale et de plus en plus mondialisée et financiarisée, qui constitue le milieu où cette concurrence s'exerce, en liaison avec les instances politiques. L'insatisfaction des personnes, s'exprimant collectivement, peut conduire à des changements de gouvernements ou de régimes politiques, de manière plus ou moins violente.

[Pour une actualité de violence sur laquelle s'intérroger, voir la question du Billet : [  voir en cliquant ci-contre: La violence : pour faire quoi (?)
( C'est comme cliquer sur 'Livres' dans le bandeau de liens ci-haut et choisir dans ce cadre-ci 'Document' : 'Billet' puis 'La violence : pour faire quoi (?) (23/05/16)'.
[ Pour revenir à ce document-ci, cliquer sur 'Livres' dans le bandeau ci-haut et, parmi ces livres, choisir ''Livre long' puis 'Autre' puis 'Livre long'] ]

[ . . . À POURSUIVRE : 'Apportons' nos ('blocs' de) Questions liées à la violence . . . ]

N o t e s

[1] Nous supposons ici une volonté de - ou disposition à - s'accorder, parvenir à un compromis. Il importe, pour apprécier et gérer la situation de conflit, de déterminer la capacité de chacun des acteurs à s'acheminer vers une résolution du conflit par la réalisation d'un compromis acceptable. Mais un acteur de conflit peut n'avoir pour but, dès le début, que l'acquisition d'un avantage total ou même, à l'extrême, la destruction de l'adversaire, sans qu'un compromis quelconque soit envisagé; un tel acteur recherche alors l'aggravation et non l'atténuation du conflit<o>.

Ainsi comprise, la "recherche de consensus"<o> n'est, pour les acteurs, qu'une éventualité dans la "résolution du conflit" qui, à la limite extrême, peut n'être voulue et réalisée, de part et d'autre, que par la destruction de l'adversaire.

Cependant, nous proposons que, par méthode, la dimension de "recherche de consensus" soit toujours évaluée au début et au fur et à mesure de la poursuite du conflit et des tentatives de le résoudre. Non seulement par préférence pour une "non-violence"<o> ou moindre violence, parce qu'on conçoit aisément que certains conflits "mal" résolus (selon des critères certes à définir) ne font que présager des conflits futurs peut-être plus destructeurs. La recherche de consensus ne peut aboutir que s'il y a une réelle volonté de concilier<o> des intérêts opposés ou divergents, c'est-à-dire qu'elle vise la réalisation d'un compromis. Mais, comme la volonté de parvenir à un compromis est souvent difficile à évaluer avant la confrontation, et qu'elle peut évoluer au cours de la discussion, il est judicieux que la "recherche de consensus" soit toujours initiée et maintenue, quitte à évaluer, sans cesse, le degré de possibilité du consensus, - et à l'extrême les raisons de l'échec d'une telle tentative.

Les raisons<o> qui confortent cette exigence:

- Les effets des moyens de destruction deviennent tels que la victoire devient très dommageable pour le vainqueur lui-même; ainsi le refus de toute forme de "coexistence"<o> avec l'adversaire devient auto-destructeur. L'agresseur inconditionnel est alors amené, pour autant qu'il soit rationnel, a considérer la préférence pour un compromis. A l'extrême, l'issue du conflit devient alors une question de survie collective des acteurs du conflit.

- Les causes de conflit s'interpénètrent à divers niveaux. Elles ne peuvent être isolées, comme cela a été possible dans le Passé, selon des zones géographiques ou des modèles de civilisation. A l'extrême, les conflits les plus graves et globaux, qu'on peut qualifier d'"ultimes"<o>, mettent en enjeu le devenir de l'humanité terrestre.

| Notons que la "perte de consensus", ainsi définie, n'est qu'une description du comment la violence apparaît et non l'explication du pourquoi de la violence, qui nécessite l'exploration des motifs et mobiles invoqués et/ou décelés.

[2] Il s'agit non seulement de conservation de l'espèce mais de se réaliser dans/par la société. L'humain cherche à se préserver et se reproduire en tant qu'être vivant; mais sa vie manifeste aussi son être de culture et, au-delà de la reproduction d'un existant, il cherche aussi à générer du nouveau dans un processus de civilisation<o>. Il est d'abord confronté à la rareté des biens nécessaires à sa survivance biologique dans les meilleures conditions de santé et de confort. Il peut aussi, s'il en a le temps (lequel aussi est limité), se consacrer davantage à son être personnel et/ou social qu'à l'accumulation de biens matériels. Mais toutes ses activités, qu'elles se développent sur le mode de l'être ou celui de l'avoir, restent limitées par la rareté en ressources personnelles ou collectives. Par exemple, l'éducation a un coût, comme la culture ..., et l'activité la plus personnelle reste, à maints égards, dépendante d'un milieu de vie sociale. Et donc la concurrence existe toujours pour l'accès aux biens. Même lorsqu'elle n'est pas vécue directement par des personnes qui s'accordent ou s'affrontent pour acquérir un bien, elle se manifeste toujours, au niveau plus global du fonctionnement du système social, dans les choix de répartition des ressources<o> collectives.

[3] Parmi les biens immatériels, notons les biens "sociaux", c'est-à-dire ceux qui traduisent un avantage social comme : - l'appartenance à un certain niveau social; - la réputation (y compris l'estime de son entourage). Ainsi que ceux qui satisfont des besoins psychologiques (sociabilité, affection/amour ...)<o>. Etant entendu que les biens matériels et immatériels se confondent souvent dans la satisfaction de nos besoins. Par exemple, la réputation peut être liée au fait d'être riche, de "valoir" beaucoup d'argent; et le statut social<o> peut justifier la possession d'une plus grande part des biens matériels disponibles. Et que nos besoins subjectifs rejoignent plus au moins les attentes des Autres : ainsi de l'estime de soi qui peut dépendre du regard des Autres sur nous.

Remarquons aussi que des biens considérés jadis comme appartenant à tous sans limite sont - en raison de l'accroissement de la population et, plus récemment, de la pollution - devenus rares : la terre à cultiver, l'eau, l'air.

[4] L'accaparement<o> vise d'abord les objets matériels ou vitaux (plantes et animaux) qui doivent servir nos besoins (une conception de la Création de la Nature affirmant que ceux-ci n'ont été créés que dans ce but). Deux autres sortes de cibles de l'accaparement sont : - les objets immatériels; - les Autres humains en tant qu'objets. Les "objets immatériels" sont mentaux et psychiques : toutes les pensées plus ou moins verbalisées qui forment notre culture. La Culture<o> est à la fois le produit, en tant qu'élaboration collective, de la domination de la Nature, y compris nos semblables humains, et un objet d'acquisition et de possession, donc d'accaparement. Par exemple, une idéologie peut être revendiquée, inculquée, imposée; ou, par réaction, combattue. Les "Autres humains" sont, par-delà les dénominations culturelles (ex. les "droits" et "devoirs" "civiques" de nos "concitoyens") des personnes avec qui nous sommes en relation directe. Je peux alors chercher à les accaparer comme objets, autrement dit, à les instrumentaliser afin qu'ils servent mes projets. Je peux aussi les reconnaître en tant que sujets, comme je suis un sujet humain. C'est alors une tentative de se mettre "à la place" de l'Autre personne, de la connaître comme je me connais, de la considérer comme un autre moi-même, de vouloir pour elle ce que je veux pour moi et/ou ce que je veux pour elle en tenant compte de sa situation et de ses désirs ... La difficulté d'une telle tâche : il faut que cette "empathie"<o> soit effective et non illusoire, c.a.d. que - au moins dans une certaine mesure - je parvienne à une connaissance de ce qu'elle est vraiment; et ensuite, que j'apprécie ce qu'elle attend de moi et que je puisse partager. Une énorme tâche, tant au niveau inter-personnel qu'au niveau de l'organisation socio-politique. Combien petites, hésitantes et ardues - et souvent ambigües/douteuses pour autant qu'elles réussissent? - sont les réalisations effectives issues des élans réformateurs<o> de la société humaine! Combien invétérée est la volonté et tendance à l'accaparement des objets et êtres de la Nature, y compris nos co-humains!

[5] A la réflexion, on pourrait partir des besoins et de la nécessité de maîtriser l'environnement naturel et socio-humain afin de les satisfaire, la "volonté de Puissance"<o> étant présentée, dans sa tendance vers l'excès, comme un cas extrême, et non souhaitable, de non-respect des "valeurs humaines" par le fait d'une volonté destructrice parce qu'a-morale. Toutefois, la "volonté de Puissance" est ici à sa place dans la suite de la démonstration parce que :