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De la Montagne

Vers Commentaires

"Humain, toujours tu chériras la Montagne. C'est la force face à la faiblesse, la liberté face à l'esclavage, la pauvreté face à la richesse.

Dans la plaine se vautrent les humains. Vois la foule grouillante sur les terres riches, - la chaîne de maisons, l'égoïsme des villages, l'esclavage des fleuves, le mal de la terre. Et au loin la nécrose des villes, la crasse sans cesse renouvelée, échangée de porte à porte, de bouche à bouche, de cœur à cœur. De tout cela puantent jusqu'aux nuages sales les relents de l'humanité perdue.

Et regarde le soleil clair couché sur les neiges. Tu vois le soleil le premier lorsque la mort ferme la marche. Tu es sur le faîte, à l'avant du monde. Très loin, par-delà les nuages à tes pieds, l'air léger, immense, porte ton regard vers la mer grande. Le vent glacé serre et gèle d'amour les roches déchiquetées. Voici le parfum fort de la fleur sauvage, seule, entre les pierres, rude, tournée vers le soleil. Regarde ce roc qui s'ouvre de la terre: c'est ton âme, débarrassée de sa gangue. Sur chaque roc tu vois ton visage, élimé par le souffle, montrant la vie à fleur de peau, les yeux trouant la pierre. Ici l'inutile n'est plus. Les gros ventres dépérissent. Les boeufs n'engraissent pas. C'est la vie seule, qui tranche la mort. La Montagne le couteau, qui découpe le Soleil. Et le donne aux affamés.

Je vois la cohorte des envahisseurs passer par l'anneau étroit des gorges. Sombre exil des hommes de guerre qui se resserrent pour franchir la nudité de la montagne. La montagne fait peur aux humains d'en-bas. Elle est le symbole de leur impuissance, de ce qu'ils renient.

D'un certain humain moderne, je dis: Tu as le visage terne du rapace châtré, rassasié d'une terre mal nourrie, croupissant. Ce n'est plus le regard de l'aigle mais la fatalité de l'esclave à la roue. Même pas la vigueur dans le mal, l'impétuosité des actes, le brillant de l'épée, mais le froid calcul des banquiers. Ce n'est plus l'humain sauvage, c'est l'humain décrépit, acteur et victime de son égoïsme civilisateur."

Une autre fois, Il dit :

"Au-delà des déserts inhabités et aux limites des terres qui fructifient, se dressent les coeurs d'acier des villes où je lis "Ici commence le désert surpeuplé!". Interdiction de regarder son voisin en face, obligation de porter un visage de circonstance, l'air satisfait, sur les lèvres pâles toujours le sourire, - les yeux gris comme la pierre délaissée, la démarche d'ombre, forcé de suivre la voie tordue coupée à angles droits, le soleil que l'on ne voit pas. Là mon coeur se décroche et tombe à mes pieds dans les flaques des caniveaux.

Il n'y a plus d'Humain là où deux humains ne peuvent se regarder en face et se reconnaître."

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Commentaire(s)

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n°1

C'est - par la Parole de l'"Ancien"(1) - l'éloge de la Montagne, dans les vertus qu'elle favorise, une pureté dans le dépouillement par rapport à la foule, à l'anonymat ... La désapprobation d'une modernité dans la multitude qui ne favorise guère les contacts vraiment "Humains", dans une Nature plutôt dégradée.

Mais on peut opposer que : les "villages" sont aussi des lieux de solidarité, le progrès aide aussi à combler des besoins ...

Et la richesse n'est pas toujours corruptrice; et "la foule grouillante" n'est pas seulement "sur les terres riches" : c'est même de plus en plus le contraire : les très riches se mettant à l'écart, "entre soi", loin de "la foule grouillante" des quartiers pauvres, des villes surpeuplées et misérables dans l'Extrême Orient et ailleurs.

Quant à la "... la vigueur dans le mal ...", on peut peut-être sans passer !

Si la vision est vraie et pure, marquant nos manques, la réalité décrite est quelque peu dépassée(?)

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Note(s)

[1] L'"Ancien[-ne]", c'est lui[-elle] "qui Porte la Parole" qu'il/elle tente de faire partager; c'est qui donne la Connaissance mouvante, qui se signifie par le Dialogue ...